07 Affectation de poste : chaufferie avant.

Publié le par Robert L'Horreur


Mon bateau, il y a 40 ans.


Bon, une fois le sac posé, les émotions m'ont donné faim. Direction la cafète. Une seule échappée pour les entrants et les sortants.... on se bouscule un peu, le Surcouf est un peu le prototype, premier de la série. A la rampe, petit détail, pas de couverts....le plateau, le quart la bouffe et tu dégages. Armé d'un seul couteau pas helvete du tout....à la guerre comme à la guerre. Je sens bientôt que quelque chose ne va pas, que je gêne. Je me suis installé là , à cette table là, sur ce siège là, parce que il y avait de la place. Lourde erreur !!! Là, c'est le coin des...en tout cas pas celui des mécanos. Les mécanos, c'est là-bas, sur tribord, dans le renfoncement. Bon à savoir.
Puis retour au secrétariat machine. Le premier maître, un gaillard très sympa dont j'ai malheureusement oublié le nom, va s'adresser à nous en ces termes : toi, Machin, mon fils, tu seras chauffeur à la chauffe arrière. Toi Brisoux, mon fils, tu seras chauffeur à la chauffe avant. Tu t'occuperas de la TPM que tu chériras, entretiendras, astiqueras. Tu changeras le joint papier du carter tous les 5000 miles en en découpant un tout neuf dans une vieille carte marine à l'aide du manche de ton couteau. Elle ronronnera de plaisir. Tu lui changeras son huile aussi.  S'il te restes du temps dans la semaine, tu visiteras le filtre à mazout. Je sais les trous sont gros comme une cigarette, mais il faudra le faire. Cela servira rigoureusement à rien, mais cela t'occupera un moment, et t'évitera de faire des conneries avec tes petits camarades. En mer, tu iras toutes les heures relever le niveau de la soute alimentaire de mazout qui se trouve au poste des fusibles ( le 4 il me semble ). Tu dévisseras ce "putain" de bouchon en laiton, gaffe de ne pas le perdre car en général il roule, tu extirperas la jauge que tu plieras comme un mètre de menuisier, avec un chiffon, tu essuieras ce "mer....dier", tu replongeras le tout, et tu mesureras ensuite le niveau. Tu mentionneras sur le cahier, avec le stylo que tu auras, au préalable, acheté à Monoprix ( en haut de la rue de Siam ) la valeur trouvée. Attention aux taches de gras..... Le plus excitant, ce sera en mer, car avec le roulis, tu ne trouveras jamais deux fois la même chose. Le mieux encore, ce sera en mer, et la nuit. Tout cela servira à pas grand chose non plus, mais tu feras "chier" copieux le gus de la banette du bas, avec le bruit, avec l'odeur, et ta lampe torche ( non non pas Monoprix, celle là on te la prète ) et tu empècheras le gus de quart au local Gyro ( qui se trouve juste devant la jauge ) de s'endormir, enfin s’il est là. Puis tu refermeras le tout proprement, tu repartiras comme tu es venu en shootant dans tout ce qui peut traîner par terre et que tu n'as pas vu. Gaffe de ne pas te casser le gu..figure.Tu les entendras râler, mais tu t'en ficheras, et tu arboreras un air conquérant et détaché, autant qu'un chiffon gras puisse l'être  ( détaché !! ).
Ah, j'oubliais, dernier détail, la chauffe on appelle ça " le trou ".
Tu seras du deuxième tiers. Et comme ce week end, c'est le deuxième tiers qui est de 48.....
Enigme......Mais c'est bon sang bien sûr ( merci Bourrel ) 48 heures de perme. Le temps de remplir la demande de 48 en catastrophe, que le secrétaire fasse le tour des popottes pour les signatures, qu'il me ponctionne au moins 25 francs et quelques fifrelins pour acheter le billet de train et son supplément « Armor » d'avance, que je vois la tronche de ceux qui ont tiré le numéro du 1er ou du 3 ème tiers, et hop,....... hop rien du tout..... Les permissionnaires, c'est pas maintenant.
Viens voir, on va t'occuper au poste 7. Arrivé en bas de l'échappée, non non j'ai froid nulle part, bachis dans la vareuse, car il est toujours là, l'autre. A croire qu’il fait concierge.
Et Baloo aussi.
- Alors tu voies, ça c'est une banette, ça c'est une toile, et ça c'est ? c'est ? c'est ?

- Bah c'est du bout', tu attendais une autre réponse ???
Car le poste venait sans doute d'être réaménagé en banette et non plus en hamac, enfin je pense. Et tout était à faire, il y avait le kit, il ne manquait plus que les petits doigts agiles des mousses pour passer le bout' dans les trous puis autour du cadre..... Bon ça y est.

- Non non, il y a aussi celle là, pi celle là........ pi celle là…….

Au bout de deux heures et des pelotes de bout' plus tard, d'un "dégager, dégager, permissionnaires à se changer" nasillard, gong salvateur, direction le pont principal avec le sac qui ne passe toujours qu'à la verticale, la valise et le tintouin.
Inspection, demi tour nickel-chrome. "Faudra changer la bande de votre bachis, vous en trouverez à la coop du bord"
J'aurai préféré y trouver une fourchette à la coop. C'est bête une fourchette, mais on fait plein de trucs avec une fourchette : tiens manger par exemple..
Bon on verra ça lundi.
Pour atteindre la gare, à pieds, il a fallu crapahuter ferme. Nous partîmes cinquante, nous arrivâmes cinq mille dans un prompt renfort sur ce quai.......de gare.


Mon bateau, il y a 40 ans.

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